Cette clé dont le secret tenaille
mon envie de bricoler
Il était une fois une paire de tenaille installée tranquillement avec son amie du sérail
sur le rebord d'une muraille. La première attendait depuis longtemps cet instant où
elle pourrait dire à sa meilleure amie un secret conservé depuis longtemps dans les
ateliers d'un vieux monsieur parti pour un grand Voyage.
La paire de tenaille se demandait bien pourquoi le vieux monsieur avait ainsi tenu
secret une nouvelle aussi fabuleuse pour les humains. La clé à bec, toute étonnée,
semblait déjà connaitre le fin mot de l'histoire mais n'osait décevoir son amie tenaillée
par le secret espoir de pouvoir clamer sa trouvaille à toute la contrée. Cette dernière
ne put tenir son secret et déclara: "...Je dois te dire que j'ai découvert dans la boîte
à outils de feu Monsieur Demaison une lettre dans laquelle il dit que nous étions ses
outils préférés". Interloquée par une telle confidence la clé à bec se mit à pleurer
et rétorqua à son amie: "Oui, je savais, il me l'avait dit, il m'avait même confié
un jour que nous étions pour lui les deux faces de la vie sur terre. Moi, à cause
de ma capacité de dévisser les boulons les plus rebelles et toi à cause de ton
aptitude à arracher les pointes de l'existence qui font le plus mal".
On dit que la paire de tenaille et la clé à bec restèrent toute la nuit à méditer
ce secret.
Depuis, chaque fois que j'utilise ces deux outils, il me semble que la matière
retrouve ses esprits. Il m'arrive même de penser que les humains sont parfois
entre les mains de leurs outils.
Marc Maronne
"Il existe une forme de tristesse qui naît du fait d'en
savoir trop, de voir le monde tel qu'il est vraiment.
C'est la tristesse de comprendre que la vie n'est pas une
grande aventure, mais une succession de petits moments
insignifiants, que l'amour n'est pas un conte de fées,
mais une émotion fragile et fugace, que le bonheur n'est
pas un état permanent, mais un aperçu rare et fugace de
quelque chose auquel on ne peut jamais s'accrocher.
Et dans cette compréhension se cache une profonde
solitude, un sentiment d'être coupé du monde, des
autres, de soi-même."
Virginia Woolf, Vers le phare